Animée par Nelly Fesseau, directrice de l’Agence Erasmus+ France / Éducation Formation, la table ronde d’ouverture a rassemblé Manuel Bouard, délégué adjoint pour l’Enseignement supérieur à la délégation aux Affaires européennes et internationales du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ; Donatienne Hissard, directrice générale de Campus France ; Sébastien Lafragette, chef du pôle pilotage des opérateurs et des stratégies sectorielles au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ; et Philippe Ruffio, chef de secteur à l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA).
« Erasmus Mundus, c’est 20 ans de succès pour des masters conjoints uniques dans des domaines extrêmement variés, et 20 ans d’opportunités de mobilité internationale pour les étudiants du monde entier », a déclaré en préambule Nelly Fesseau. Elle a notamment souligné le rôle dans la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur de ces programmes d’études intégrés, qui sont mis en œuvre par un consortium d’au moins trois établissements d’enseignement supérieur, dont au moins deux sont issus de deux pays du programme différents. « 67 % des établissements engagés dans les alliances d’universités européennes participent ou ont participé à des actions Erasmus Mundus. Cela signifie que le bénéfice qu’ils ont tiré de l’expérience leur a donné envie de continuer à s’inscrire dans une démarche de coopération », a-t-elle exposé.
« Erasmus Mundus a constitué un levier permettant aux établissements de construire et de structurer leur stratégie internationale », a indiqué de son côté Manuel Bouard, ajoutant : « La mise en place de ces parcours d’excellence, particulièrement attractifs, a permis le développement d’un travail de réseau ». Réflexions communes pour développer un accueil dédié aux étudiants internationaux, création concertée de programmes à la pédagogie innovante, partage de pratiques, constitution de réseaux de partenaires non académiques…
« Ce sont des apports importants, car nous arrivons à un moment charnière », a précisé Manuel Bouard. Il rappelle ainsi que la Commission européenne a présenté, le 27 mars dernier, des initiatives visant à faire progresser la coopération entre les établissements d’enseignement supérieur. « L’un des objectifs est de créer un diplôme européen, et cela s’inscrit dans la dynamique lancée avec la construction des universités européennes. Il y a beaucoup à retirer de ce qui a été construit dans le cadre d’Erasmus Mundus », a-t-il expliqué.
Pour Philippe Ruffio, les alliances d’universités et Erasmus Mundus « s’inscrivent dans une logique de complémentarité et non de concurrence. Ces initiatives ont des horizons différents. Avec Erasmus Mundus, on est dans l’immédiateté, tandis que les alliances d’universités européennes ont vocation à faire évoluer, à moyen terme, la manière dont les établissements sont structurés. En outre, dans le cadre d’Erasmus Mundus, l’initiative vient généralement du terrain alors que les alliances universitaires relèvent plutôt du “top down”, les autorités des universités cadrant une politique globale », a-t-il insisté.
Il a également mis en avant une complémentarité entre Erasmus Mundus et le diplôme européen : « Le diplôme européen sera un outil supplémentaire qui permettra de développer la coopération dans l’enseignement supérieur en Europe. Pour autant, il sera possible de continuer à mettre en place des programmes Erasmus Mundus sans diplôme conjoint. »
La table ronde a également offert l’opportunité d’échanger sur le contexte français. Et comme l’a rappelé Nelly Fesseau, « la France est le premier pays participant à Erasmus Mundus », avec 112 des 206 masters Erasmus Mundus impliquant au moins un établissement français. « Notre pays est également le premier en termes d’accueil d’étudiants », a-t-elle renchéri, précisant qu’en 20 ans, plus de 17 400 étudiants étrangers ont effectué une mobilité en France dans le cadre d’un master Erasmus Mundus.
« Erasmus Mundus est un atout important pour notre attractivité », a affirmé Donatienne Hissard. « L’un des intérêts de cette action est de faire davantage connaître notre enseignement supérieur dans des pays où les liens ne sont pas encore fortement établis. Un consortium Erasmus Mundus, c’est une coopération gagnant-gagnant puisque chaque partenaire fait bénéficier les autres de sa notoriété et de son réseau », a-t-elle argumenté.
Par ailleurs, Erasmus Mundus permet de lever certaines idées reçues sur notre pays. Citant une enquête sur l’image et l’attractivité de la France auprès des étudiants internationaux menée par Campus France avec IPSOS dans six pays, Donatienne Hissard a révélé que « les réponses des sondés font ressortir trois grands a priori : la crainte que les diplômes ne soient pas reconnus dans leur pays d’origine, la peur que les enseignements ne soient dispensés qu’en français, et enfin, l’idée que le coût de la vie soit trop élevé ». Ainsi, en proposant des formations en anglais, dans le cadre de parcours d’excellence labellisés par la marque européenne Erasmus+, et assortis de la possibilité de recevoir une bourse de 1 400 euros par mois, « Erasmus Mundus balaye les appréhensions ».
De son côté, Sébastien Lafragette a précisé comment le réseau diplomatique contribue au déploiement d’Erasmus Mundus : « Les espaces Campus France, qui sont des services d’ambassades, reçoivent les étudiants et sont le relais de la politique de promotion développée par l’agence Campus France. Ensuite, nos attachés de coopération scientifique et universitaire sont à la disposition des établissements pour développer des partenariats. Pour cela, ils peuvent mobiliser des moyens au sein des ambassades, par exemple, en finançant des missions exploratoires. »
« Quand Erasmus Mundus a été lancé, il y a 20 ans, l’objectif était principalement de mettre en place un mécanisme de bourses pour attirer des étudiants étrangers. Or, ce qui est remarquable, c’est que par ce biais, on a encouragé l’enseignement supérieur à se mettre en ordre de bataille pour approfondir sa coopération, ce qui n’était pas l’objectif initial. Depuis, de nouveaux outils ont émergé, en particulier les universités européennes. Il va donc falloir repenser l’articulation et la complémentarité de tout cela. », a concédé Philippe Ruffio.
C’est pourquoi, à l’occasion des 20 ans d’Erasmus Mundus, l’EACEA a publié une étude d’impact et organisé une conférence anniversaire à Bruxelles, les 27 et 28 mai dernier. Cet événement a notamment été l’occasion d’échanges autour de l’avenir de l’action. « 20 ans, c’est long à l’échelle d’un programme, mais c’est sans doute le bon moment pour faire le point », a reconnu Philippe Ruffio. Faut-il recentrer le programme vers l’Europe ou se tourner davantage vers l’international ? Ouvrir à d’autres niveaux d’études que le Master (Bachelor, Doctorat…) ? Faire évoluer l’obligation de mobilité dans au moins deux pays du consortium ? Envisager des mobilités virtuelles ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions qui se posent, selon lui.
Cependant, les discussions autour du cadre financier fixant le budget pluriannuel de l’UE pour la période 2028-2034 en sont encore à leurs débuts : « Il faudra encore attendre pour connaître l’architecture du prochain programme Erasmus+ et le montant des moyens qui lui seront attribués », a-t-il tempéré.
Retrouvez les moments importants des JEES 2024 en replay, avec notamment les interventions consacrées au programme Erasmus Mundus.