C’est lors d’une conférence de presse organisée le 19 mars que l’Agence Erasmus+ France / Education Formation a dévoilé son rapport d’activité 2020. L’occasion pour elle de relativiser l’impact de la crise sanitaire sur les mobilités Erasmus +, de féliciter l’appétence croissante des acteurs de l’éducation et de la formation pour les projets européens, de souligner l’implication des entreprises dans le programme, de rappeler les priorités de la nouvelle programmation et de réaffirmer son soutien, passé et à venir, aux porteurs de projets.
Laure Coudret-Laut, directrice de l’Agence Erasmus+ France / Education Formation, a ouvert la rencontre avec les journalistes en rappelant les faits qui ont marqué l’activité de l’agence en 2020 : le renouvellement et la pérennisation de la structure ; la transition entre le programme 2014-2020 et le programme actuel ; le Brexit ; et bien sûr la crise sanitaire. Malgré ce contexte difficile, les chiffres de la mobilité Erasmus + pour l’année académique 2019-2020 sont rassurants a-t-elle commenté puisque « 63 851 personnes ont pu partir au départ de la France ». Au regard des 86 179 mobilités organisées l’année précédente, cela représente 74% de mobilités maintenues, un chiffre positif. Et « c’est dans le secteur de l’enseignement supérieur que la mobilité a le mieux résisté » a-t-elle ajouté, avec seulement 19% de mobilités annulées, ou plutôt « reportées ». Car selon la directrice, il ne faut pas parler d’annulations mais plutôt de reports, la Commission européenne ayant « prolongé de 12 mois les projets de mobilité pour permettre aux établissements d’organiser les mobilités dès que la situation le permettra ».
Quels sont les facteurs qui ont permis d’amortir le choc ? Laure Coudret-Laut l’a expliqué par le fait que les mobilités en cours ou prévues lors du premier confinement étaient souvent des mobilités de longue durée, ce qui a permis à leurs bénéficiaires d’organiser leur confinement dans le pays d’accueil. C’était le cas de Florèle Latus, invitée à témoigner pendant la conférence de presse. Titulaire d’un diplôme de graphiste, elle peinait à trouver son premier emploi après ses études : « C’était un peu compliqué […] et je suis tombée sur une conseillère de la Mission Locale vraiment sympa qui m’a aidée en me proposant de partir en mobilité ». La jeune femme est donc partie au Portugal pour faire un stage de trois mois en tant que graphiste. « Au bout d’un mois, c’était le confinement. J’ai fait le choix de rester là-bas car on était vraiment bien suivis et accompagnés », a-t-elle relaté. Une aventure dont le bilan heureux l’a incitée à renouveler l’expérience : « Je suis encore en mobilité au Portugal grâce à un autre projet Erasmus + qui est mené par la MFR cette fois-ci ». Et quand on lui a demandé ce qu’elle retirait de son expérience Erasmus + et le conseil qu’elle donnerait aux autres jeunes, elle a déclaré : « Ça a été une super opportunité pour moi […] il faut se renseigner à fond, il faut se lancer, il faut faire quelque chose ! ».
Autre facteur évoqué par la directrice de l’agence française pour expliquer l’impact relatif de la crise sanitaire : le recours à l’hybridation. « Dans l’enseignement supérieur, a-t-elle détaillé, 70% des étudiants ont expérimenté la mobilité hybride », c’est-à-dire une expérience mixant la mobilité physique et les enseignements numériques, qu’ils soient suivis sur place dans le pays d’accueil ou à distance dans le pays d’origine. Sur le terrain, même constat a commenté Laurence Vignollet, vice-présidente des relations internationales de l’Université de Savoie Mont Blanc, autre témoin invité à prendre part à la conférence de presse : « On n’a pas été trop impactés pour les mobilités en Europe, et les mobilités hors Europe se sont recentrées en Europe […] Et on a fait appel aux mobilités hybrides pour remplacer parfois des mobilités physiques annulées, notamment des mobilités d’enseignement qui ont eu lieu à distance du coup ». Laure Coudret-Laut a rappelé qu’il s’agissait de mobilités hybrides « de crise » et que le nouveau programme allait s’appuyer sur « ce qui a été expérimenté de force » pour construire ses nouvelles activités d’hybridation.
Les résultats des appels à propositions 2020 ont été présentés par Sébastien Thierry, directeur adjoint de l’Agence Erasmus+ France / Education Formation. L’enveloppe budgétaire allouée à la France pour 2020 était de « 266 millions d’euros, soit une hausse de 4,6 % par rapport à 2019 ». « Et pour la première fois, la demande financière a dépassé les 500 millions d’euros », a-t-il commenté avant d’ajouter qu’elle avait augmenté de « 47 % pour les partenariats ». Avec une hausse de 34 % par rapport à 2019, le nombre de projets de partenariat déposés au premier appel à propositions s’élève à 757. Ce sont les secteurs de l’enseignement scolaire et de l’éducation des adultes qui se démarquent le plus, avec respectivement + 152 % et + 67 % de candidatures reçues par rapport à 2019. Pour répondre aux urgences et aux nouveaux besoins générés par la crise, un budget supplémentaire de 15,6 millions d’euros a été octroyé et un second appel à propositions a été ouvert en 2020. Il visait à soutenir « des projets de partenariats pour la préparation à l’éducation numérique et pour la créativité culturelle et artistique ». Cet appel à propositions exceptionnel a rencontré un vrai succès avec plus de 44 millions d’euros sollicités.
Côté mobilité, la demande reste forte : 309 millions d’euros ont été demandés en 2020, contre 288 en 2019, soit une hausse de 7 %. 155 000 mobilités ont été sollicitées et grâce à une enveloppe budgétaire de 191 millions d’euros, ce sont « plus de 107 000 mobilités financées » : près de 24 000 pour des apprenants de l’enseignement et de la formation professionnels et plus de 62 000 pour des étudiants. « L’accréditation ouvre l’ère du nouveau programme et ils sont 530 établissements à avoir été accrédités en 2020 », a ajouté Sébastien Thierry. En tant que porte d’entrée des activités de mobilité du programme 2021-2027, l’accréditation s’appuie « sur le plan Erasmus +, c’est-à-dire sur la stratégie d’internationalisation des établissements ». Structurante, elle accompagne les organismes dans la construction de leur projet d’ouverture à l’international : une aide précieuse. Elle est par ailleurs « octroyée pour toute la durée du programme, jusqu’à 2027 » et limite les démarches administratives à une demande de financement annuelle et simplifiée : une aubaine pour les établissements, surtout les plus petits. Les établissements d’enseignement supérieur ne sont quant à eux pas concernés par l’accréditation et poursuivent avec la charte ECHE : « Ce sont toujours 1 200 établissements de l’enseignement supérieur qui sont chartés, et il y a une vraie continuité entre l’ancien et le nouveau programme », a félicité le directeur adjoint. Des chiffres qui confortent l’engouement des acteurs de l’éducation et de la formation pour le programme Erasmus +.
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« Avec la crise, les jeunes peinent davantage à s’insérer sur le marché du travail, a déploré Sébastien Thierry. C’est pourquoi, nous avons réalisé une étude intitulée La participation des entreprises au programme Erasmus + : motivations et apports ». Un outil pour mieux comprendre le rôle à jouer des entreprises et pour mieux identifier les actions à mener pour favoriser davantage leur implication. « Ce qui en ressort, c’est que les entreprises françaises sont largement impliquées dans l’accueil des stagiaires. Elles sont 4 423 à accueillir des stagiaires européens depuis 2018 : 3 601 ont accueilli des étudiants et 780 ont reçu des stagiaires de la formation professionnelle ». Parmi les 5 362 étudiants européens accueillis, 20 % étaient issus des filières langues, 9 % des filières commerce et administration, ou encore 5 % de la filière médecine. Quant aux 2 375 stagiaires de la formation professionnelle, 22% sont issus de formations en hôtellerie-restauration, 9% de formations agricoles ou encore 6% de formations à la construction automobile. La directrice de l’agence, Laure Coudret-Laut, soutient cette dynamique : « Il faut aussi que les entreprises françaises prennent davantage l’habitude d’accueillir des stagiaires européens Erasmus +, comme le font les entreprises européennes avec nos jeunes. Et c’est une question sur laquelle nous allons travailler ».
L’étude a par ailleurs révélé l’implication des entreprises françaises dans les projets de coopération. « Depuis 2014, elles sont 96 à s’être impliquées, soit dans un projet de partenariat, soit dans une alliance de la connaissance. […] Leur taille est variable ; ça va du groupe international, comme Lactalis, Decathlon, Safran ou encore Suez, à la petite TPE », a exposé Sébastien Thierry. Et parmi elle, la TPE Akinao, dont la présidente, Annabel Levert, a participé à la conférence de presse. « Akinao est une société de recherche et de développement dans le secteur de l’agriculture. Elle travaille sur les produits de biocontrôle qui visent à protéger les plantes grâce à des mécanismes naturels, et sur les produits biostimulants qui consistent à stimuler les défenses des plantes. C’est un secteur émergent qui reste pourtant mal appréhendé par ses utilisateurs, les agriculteurs. Il est donc nécessaire de les sensibiliser à ces produits, d’où l’idée de monter un projet de partenariat Erasmus + ayant pour objectif de créer des formations gratuites au biocontrôle. Nous avons produit des vidéos et des formations en e-learning diffusées gratuitement sur la plateforme My Green Training Box et suivies en Europe, mais aussi en Asie et en Afrique. Ces contenus ont été intégrés aux enseignements de certains lycées agricoles et écoles de sciences agronomiques. Même l’industrie du biocontrôle s’est emparée de ces formations pour rassurer les consommateurs ! », a exposé avec entrain la cheffe d’entreprise. « Le succès est tel que nous avons lancé un nouveau projet Erasmus + pour enrichir My Green Training Box de quatre nouvelles formations sur les biostimulants », a-t-elle surenchéri. Pour elle, le programme Erasmus + est une opportunité formidable « de soutien à la recherche et au développement et d’ouverture à l’international ».
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Pour Laure Coudret-Laut, « le vrai changement du programme se fera autour de la notion d’inclusion » qui est une priorité forte pour 2021-2027. Pour toucher de nouveaux publics, il faut permettre l’accès au programme à de nouveaux acteurs, et en particulier aux petites structures qui n’ont pas forcément les moyens humains ou les compétences pour s’investir dans des projets d’envergure au montage complexe. C’est pourquoi le nouveau programme intègre « des activités qui leur seront réservées », comme les projets courts de mobilité ou bien les projets de partenariat simplifié (small scale). Autre piste pour favoriser l’inclusion : les compléments financiers. Une aide incitative à la mobilité destinée aux apprenants les plus défavorisés ou les plus fragiles. « Bien sûr, a poursuivi la directrice, la participation des apprentis reste une priorité et nous continuerons à accompagner les CFA et les établissements de formation, notamment à travers la formation des référents mobilités ». Nouveauté pour ce public : « la mobilité internationale, hors Europe, va bientôt s’ouvrir aux apprenants de l’enseignement et de la formation professionnels, dont font partis les apprentis », a-t-elle annoncé.
Autres grandes priorités du programme : la citoyenneté active visant à stimuler la participation des jeunes à la vie citoyenne ; la transition écologique qui se traduit par « le financement des mobilités douces et le soutien aux projets d’éducation au développement durable » ; et enfin la transformation numérique. En plus de porter une attention particulière aux projets d’éducation numérique, le programme est engagé dans la transition numérique, comme le montre son écosystème : eTwinning, Epale, Europass, OLS… Dernier outil numérique Erasmus + : la carte étudiante européenne. Composée de modules de gestion pour les établissements et d’une application mobile pour les étudiants, « l’initiative a pour objectif de construire l’Europe de l’enseignement supérieur en soutenant les liens entre les établissements européens, en modernisant la gestion de la mobilité et en facilitant la vie des étudiants en mobilité », a expliqué Laure Coudret-Laut.
Laure Coudret-Laut a rappelé le travail d’information en continu assuré en 2020 par les équipes de l’agence pour répondre aux problématiques rencontrées par les porteurs de projets et par les participants. Un accompagnement et un soutien qui perdureront bien au-delà grâce à la pérennisation de l’agence : « Le GIP s’est consolidé et on a eu la chance de l’inscrire dans la durée. Il est aujourd’hui à durée indéterminée et nous avons intégré de nouveaux administrateurs comme le ministère de la Culture, l’Université de Savoie Mont Blanc, l’association des villes universitaires de France – AVUF ou encore la Région Centre-Val de Loire ». Une agence pérenne, confortée dans ses missions, qui peut dorénavant se projeter au-delà du programme actuel et travailler aux thématiques prioritaires du programme, présentes et futures. Ce travail, elle le mène avec l’aide du Cercle Erasmus qui est un « conseil d’orientation qui intègre des personnalités très diverses choisies en fonction de leur expertise sur les priorités du programme. Il est présidé par l’ancien eurodéputé Jean Arthuis qui milite pour la mobilité longue des apprentis. Et nous avons ouvert ce cercle aux jeunes avec des représentants des associations étudiantes ESN et Erasmus Mundus Alumni ».
Enfin, la directrice a conclu la conférence de presse en annonçant les festivités qui célèbreront, en 2022, le 35ème anniversaire du programme Erasmus : « Le 20 janvier 2022, il y aura un évènement pour fêter les 35 ans du programme à la Maison de la Radio, au Studio 104. On y valorisera les réalisations du programme, ce qu’il permet de faire concrètement avec des exemples de projets et des témoignages qui incarneront le programme. Les établissements et les citoyens seront au cœur de ces 35 ans ».
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