Avec 7,3 millions de profils crées sur la plateforme, et plus de 90 millions de CV téléchargés depuis 2020, « Europass s’est imposé comme un outil fiable, qui permet à des millions de citoyens, partout en Europe, de présenter clairement leurs compétences et qualifications ». C’est par ce message que Mario Nava, directeur général Emploi, Affaires sociales et Inclusion à la Commission européenne, a introduit la conférence anniversaire.
La première table ronde de la journée, consacrée à l’impact d’Europass dans l’éducation et la formation, a proposé des éclairages sur la manière dont Europass, et plus largement les portfolios, ont transformé la façon dont les citoyens identifient et développent leurs compétences tout au long de leur vie.
« Il y a, dans l’enseignement supérieur, une démarche d’avancement sur la mise en œuvre de l’approche par compétences », a souligné Éric Giraudin, directeur du volet ESR (enseignement supérieur et recherche) du programme AVENIR(s) France 2030 et maître de conférences à l’Université Savoie Mont-Blanc. Selon lui, la « logique portfolios » vient « en appui de l’Approche par compétences (APC) » en nourrissant une « démarche de réflexivité », qui permet aux individus de prendre conscience de leurs compétences et de les documenter. Le volet ESR qu’il pilote s’appuie d’ailleurs sur cette même logique pour créer CoFolio. Cet ePortfolio visera à évaluer les compétences de l’apprenant de l’enseignement supérieur et à l’aider à construire son projet de vie. Pour Éric Giraudin, il existe une véritable « complémentarité avec Europass » et il sera nécessaire de « créer des ponts numériques entre les différents outils ».
Créé en 2004 par une Décision du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, le dispositif Europass a su évoluer au cours des 20 dernières années et prendre le tournant de la transformation digitale. Il s’appuie aujourd’hui sur une plateforme numérique de gestion des compétences et des carrières, entièrement refondue en 2020. Conçue comme un guichet unique, gratuit et accessible à tous, cette plateforme est disponible en 31 langues. Elle permet notamment aux citoyens de se constituer un portfolio de compétences, à l’aide de documents standardisés, tels le CV Europass, l’Europass Mobilité, le Supplément au Diplôme ou encore le Supplément au Certificat.
Bérénice Hare pilote la mission sur les compétences psychosociales (CPS) menée par l’académie de Créteil. Pour cette experte associée au bureau de la santé et de l’action sociale de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), Europass peut soutenir le développement des compétences psychosociales. « En 2022 a été lancée une stratégie nationale ayant pour objectif de permettre à la génération 2037 de grandir dans un environnement continu de soutien au développement des CPS », a-t-elle exposé. Les compétences psychosociales y sont envisagées comme « objet d’apprentissage » et leur valorisation est l’une des actions identifiées. « Cette valorisation peut trouver du sens avec les portfolios, comme Europass selon l’âge du jeune et son parcours », a-t-elle souligné.
Cécilia Brassier Rodrigues est maîtresse de conférences à l’Université Clermont Auvergne et chargée de mission « internationalisation à la maison », qui est un dispositif d’ouverture à l’international sans mobilité physique. Cela peut consister par exemple à « capitaliser sur la présence des étudiants étrangers afin qu’ils partagent des temps de travail avec les étudiants locaux », pour renforcer les compétences linguistiques et interculturelles des apprenants. Elle a rappelé que l’Europass Mobilité « permet une très large cartographie de toutes les compétences acquises par les apprenants en mobilité à l’étranger » et reconnu que le CV Europass offre la possibilité de « mettre en valeur les compétences développées en contexte interculturel ». La chargée de mission souhaiterait aller plus loin en créant « un document Europass dédié à l’internationalisation à la maison », qui permettrait de valoriser spécifiquement les compétences acquises dans ce cadre.
Une seconde table ronde, intitulée « Europass, un atout pour le monde professionnel », a permis d’examiner les opportunités offertes par le dispositif aux travailleurs, employeurs et organismes de formation européens. Nicolas Simon, responsable du département offre de services internationale chez France Travail, a exposé les synergies entre le réseau européen des services publics de l’emploi EURES, qui vise à faciliter la mobilité professionnelle au sein de l’Union européenne, et le dispositif Europass. « Par exemple, sur la plateforme Europass, il est possible de retrouver toutes les offres d’emploi publiées sur la plateforme EURES », a-t-il expliqué, ajoutant qu’une nouvelle étape devrait bientôt être franchie : « Prochainement, les candidats souhaitant créer un profil sur EURES seront réaiguillés vers Europass, qui deviendra le point d’entrée unique dans le cadre d’une recherche d’emploi européenne. »
« Europass est un outil gratuit, accessible et inclusif, qui permet de valoriser les compétences formelles, non formelles et informelles, et de penser les passerelles de compétences », a précisé Nadège Turco, directrice déléguée chez IPERIA. Plateforme de professionnalisation de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, IPERIA mène, depuis 15 ans, une réflexion sur le développement des micro-certifications, à travers notamment son implication dans le projet Erasmus+ MyCred4Home (2021-2024). Associant des structures belges, espagnoles et françaises, le projet s’est concentré sur la reconnaissance des compétences techniques et transversales des salariés de l’aide à domicile. Pour Nadège Turco, cette démarche est une évidence : « Dans ce secteur, les salariés sont mobiles, y compris au sein de l’Union européenne. Nous avons donc tout intérêt à renforcer la reconnaissance de leurs compétences d’un pays à l’autre. »
Philippe Besançon, directeur des ressources humaines au sein du groupe Exel Industries, a quant à lui regretté qu’Europass ne soit pas encore suffisamment connu du monde l’entreprise : « La démarche Europass est remarquable, mais il y a un déficit de notoriété ». Le DRH a plaidé pour un renforcement de la communication auprès des entreprises.
Pour Marielle Lassarat, responsable Parcours Carrière au sein d’EM Normandie Business School, la sensibilisation doit aussi être menée auprès des étudiants, avant qu’ils n’intègrent le monde de l’entreprise. Son établissement a d’ailleurs lancé WARD, une application destinée aux étudiants pour la gestion de leurs compétences tout au long de leur parcours académique, international, professionnel et associatif. Fondée sur l’intelligence artificielle et sur la collaboration, l’application fédère en communauté les utilisateurs qui peuvent partager et réseauter. Marielle Lassarat a insisté sur l’importance « d’apprendre aux étudiants à s’inscrire dans une logique de compétences, tout en prenant en compte leurs aspirations ».
Alors que la Commission européenne a récemment lancé sa stratégie pour l’Union des compétences, afin de soutenir la formation des citoyens et la compétitivité de l’Union européenne, les échanges engagés lors de cette conférence anniversaire ont permis de souligner toute la pertinence d’Europass. Au terme de deux décennies d’évolution et de transformation, le dispositif européen s’est positionné comme un acteur incontournable de la reconnaissance et de la valorisation des compétences à travers l’Europe.
TÉMOIGNAGES
« Issus de cursus moins valorisés, ils manquent souvent de confiance en eux ! Cela leur permet de prendre conscience de leurs compétences, et encourage certains d’entre eux à poursuivre leurs études et à s’investir pleinement dans leur réussite ! »
Véronique Bergaz, enseignante au sein du Groupe scolaire Saint-Vincent-de-Paul à propos de l’impact des cérémonies de remise des Europass Mobilité sur les élèves des filières professionnelles
« Europass Mobilité et le CV Europass valorisent les expériences internationales des jeunes et les compétences qu’ils ont acquises. Dans le cadre de la constitution des dossiers Parcoursup, ils permettent véritablement de différencier leurs candidatures ! »
Fabienne Le Boulanger, enseignante au sein du Groupe scolaire Saint-Vincent-de-Paul
« Le Supplément au Diplôme Europass peut être individualisé en fonction du parcours de l’étudiant. Il permet de valoriser les stages en entreprise à l’international ou d’autres expériences, et de mettre en avant les compétences non formelles qui ont été acquises en parallèle du cursus ».
Julien Pichon, chargé de coopération internationale à la Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) des Pays de la Loire
