L’Agence Erasmus+ France / Education Formation et Diku, l’Agence nationale Erasmus+ norvégienne, ont coorganisé, cette année, une conférence internationale qui a associé la directrice de l’Agence nationale Erasmus+ roumaine et qui s’est déroulée les 26 et 27 novembre derniers, à Rouen, au Conseil régional de Normandie.
Rassemblant près de 200 porteurs de projets et acteurs de l’éducation et de la formation, français et norvégiens, la conférence visait à communiquer sur l’état de la négociation du projet de nouveau règlement proposé par la Commission européenne et discuté au Conseil de l’Union européenne et au Parlement européen, ainsi qu’à recueillir les idées et les aspirations des politiques, des agences nationales Erasmus+ et des acteurs de terrain en charge de la mise en œuvre du programme Erasmus +.
Dès la table-ronde d’ouverture, Laure Coudret-Laut, directrice de l’Agence Erasmus+ France / Education Formation, a annoncé l’ambition de la Commission européenne de tripler le nombre de mobilités financées par le futur programme européen pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport. Un chiffre confirmé par Giorgio Guazzugli-Marini, chef adjoint de l’unité Coordination du programme Erasmus + à la Commission européenne, qui a précisé que « lorsque l’on parle de tripler le nombre de mobilités, on parle bien de mobilités physiques, cela n’inclut pas les mobilités virtuelles ».
Cet objectif ambitieux a appelé de nombreuses questions de la part de ceux qui, au quotidien, mettent en œuvre le programme et pilotent les projets. « Comment faire entrer dans Erasmus de nouveaux publics ? », s’est interrogée Laure Coudret-Laut. Et surtout, qui seraient ces nouveaux publics ? La directrice de l’Agence Erasmus+ française a évoqué la piste des jeunes issus des zones rurales et des territoires ultrapériphériques. Pour Rebekka Borsch, secrétaire d’Etat auprès du Ministre norvégien de l’Education et de la Recherche, les apprentis sont également l’un des publics à cibler et à mieux intégrer au programme. Des propos qui ne sont pas pour déplaire à Jean Arthuis. L’Eurodéputé, venu présenter la proposition du Parlement européen relative au budget du futur programme, est en effet à l’initiative du projet pilote Erasmus Pro qui a expérimenté la mobilité longue des apprentis.
Après avoir salué la proposition de la Commission européenne de doubler le budget du programme pour atteindre 30 milliards d’euros pour la période 2021-2027, Jean Arthuis a affirmé que le Parlement européen souhaitait aller au-delà en triplant le budget et en visant 41 milliards d’euros. Pour lui, il s’agit d’un « investissement d’avenir » du fait qu’« Erasmus est le catalyseur de la construction et de la citoyenneté européennes ».
Ce changement d’échelle exige une mobilisation forte des acteurs du programme. Jean Russo, délégué général d’ESN France, a soulevé le problème de l’accompagnement des mobilités. « Comment faire du quantitatif tout en continuant à faire du qualitatif ? », a-t-il lancé. Il s’est également questionné sur les moyens qui seront octroyés aux acteurs de l’accompagnement à la mobilité. La directrice de l’Agence Erasmus+ France / Education Formation a rappelé de son côté que les moyens humains accordés aux agences nationales Erasmus+ étaient bien souvent rationnés par les autorités nationales et parfois en inadéquation avec les objectifs fixés au niveau européen. Des freins qui devront être levés pour rendre le futur programme plus accessible, en plus des mesures de simplification à envisager.
Pour Monica Calota, directrice de l’Agence nationale Erasmus+ roumaine, « l’accessibilité est liée à la simplification du programme et de ses procédures ». Une position que soutient l’ensemble des agences nationales comme l’a rapporté la directrice de l’Agence Erasmus+ française : « les agences veulent que la simplification devienne une réalité ». Pour elle, on doit s’inspirer de l’enseignement supérieur où la mobilité de masse est déjà en place, et « dupliquer son schéma dans les autres secteurs ». Parmi les procédures de l’enseignement supérieur que Laure Coudret-Laut a encouragé à transposer, il y a la distribution de bourses au forfait, la mutualisation des porteurs de projets en consortia et la généralisation des chartes.
Giorgio Guazzugli-Marini, chef adjoint de l’unité Coordination du programme Erasmus + à la Commission européenne, a appuyé ces propositions. Il a par ailleurs souligné le double avantage des chartes qui, en plus de simplifier les procédures, permettent un meilleur contrôle de la qualité de gestion des projets. Quant aux consortia, il a vivement encouragé « les organismes intermédiaires, comme les collectivités territoriales ou les rectorats, à prendre à leur charge le portage des projets ». Laure Coudret-Laut a précisé qu’il était important d’assouplir les règles relatives à la composition des consortia, de manière ce que les structures qui les composent puissent y entrer ou en sortir en cours de projet – certains projets pouvant s’étendre jusqu’à 36 mois. D’autres propositions d’assouplissement pour favoriser la participation de nouveaux publics ont été évoqués.
« Les agences nationales Erasmus+ demandent à la Commission européenne de simplifier les procédures afin d’ouvrir le programme aux petits porteurs de projets », a notifié Laure Coudret-Laut. Elle a ajouté vouloir plus de perméabilité entre les actions et les lignes budgétaires : « on a déjà de la transversalité avec le croisement des acteurs sur certaines actions, mais il faut aller au-delà ». Monica Calota, la directrice de l’Agence nationale Erasmus+ roumaine, a été plus loin que son homologue française en suggérant qu’il faudrait créer une enveloppe budgétaire à part pour les petits et les nouveaux porteurs de projets, de façon à ce qu’« ils n’entrent pas en concurrence avec les gros porteurs expérimentés ».
Pour de nombreux intervenants, comme Harald E. Nybølet, directeur général de Diku, l’Agence nationale Erasmus+ norvégienne, il faut aussi assouplir les durées de mobilité, de manière à ce qu’elles s’adaptent aux besoins et aux parcours d’un plus grand nombre d’apprenants. Une participante française de la conférence s’est exprimée sur le sujet et a constaté que le manque de souplesse dans la durée des mobilités écartait de fait certains publics, comme les étudiants en BTS ou les apprentis. Elle a expliqué qu’un étudiant en alternance devrait pouvoir partir en mobilité moins de deux mois pour ne pas empiéter sur ses périodes en entreprise. Et inversement, l’Eurodéputé Jean Arthuis, a rappelé qu’il fallait pouvoir augmenter la durée des mobilités pour le public apprentis, afin qu’ils puissent – comme les étudiants – vivre une mobilité longue et que les regards sur l’apprentissage évoluent. Selon lui, on doit opérer un « changement de culture ».
Pour parvenir aux objectifs fixés, il a été entendu que les pratiques des acteurs de la mobilité devront évoluer et que les esprits devront s’ouvrir davantage à la mobilité. Laure Coudret-Laut a cité l’exemple de l’implication des enseignants sans qui il ne sera pas possible d’augmenter le nombre de mobilités, et qui, selon elle, devrait être reconnue, avec une prise en compte dans leur évolution de carrière. Une requête qui appelle au changement des pratiques et des cultures. Monica Calota a quant à elle témoigné de l’expérience de son agence qui accompagne davantage certains porteurs de projets dont les publics sont considérés comme prioritaires (jeunes issus des zones rurales, ROM…). Cet accompagnement, qui se traduit notamment par l’organisation d’ateliers d’écriture de projets, a reçu d’excellents résultats : « dès la première année, nous avons multiplié par trois le nombre de porteurs de projets travaillant avec nos publics cibles ».
Les professionnels de l’éducation et de la formation ne seront pas les seuls à devoir amorcer une révolution culturelle. Les bénéficiaires eux-mêmes devront évoluer pour être plus demandeurs. Pour créer chez les jeunes une appétence à la mobilité, les pistes envisagées ont été nombreuses. Rebekka Borsch, secrétaire d’Etat auprès du Ministre norvégien de l’Education et de la Recherche, a émis le souhait de les sensibiliser à la mobilité dès le plus jeune âge. Une promotion qui doit se faire selon François-Xavier Priollaud, Vice-Président de la Région Normandie, à travers la parole des « anciens bénéficiaires du programme, qui ont la responsabilité d’en être les ambassadeurs ». En outre, une participante norvégienne a appréhendé la nécessité de diversifier les langues enseignées dans les écoles pour ne pas favoriser uniquement les porteurs de projets anglophones ou hispanophones.
Enfin, Giorgio Guazzugli-Marini, chef adjoint de l’unité Coordination du programme Erasmus + à la Commission européenne, a souligné que le futur programme était encore dans sa phase de préparation et qu’il serait affiné. Il a conclu son intervention en informant que la Commission européenne était à l’écoute de toutes les suggestions et a invité les acteurs du programme à lui transmettre des propositions concrètes.
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